Superbowl

Publié le par Schweinnie

rien à voir avec le héros de José Anigo

 

 

Dans sa luxueuse débauche de moyens qui le caractérise, le service des sports de France Télévision a décroché les droits de ce qu'ils appellent "le plus grand évènement sportif mondial". C'est donc la première fois (du moins, depuis très longtemps) que tout un chacun peut regarder le Superbowl gratuitement en France. Enfin, tout un chacun qui peut veiller jusqu'à quatre heures du matin en France c'est-à-dire potentiellement, seuls les insomniaques (ça fait quelques personnes qui préfèrent généralement regarder Arte ou Histoires naturelles pour mieux s'endormir), les fans de football américains (pas grand monde, donc) et les chômeurs (là, ça fait plus de gens, malgré l'action de SuperRadiateur, le nouvel héros des fictions de TF1, faux aristo dans le civil mais faisant parler ses supers pouvoirs quand on le voit pas, et puis il est tellement beau), chômeurs qui peuvent bien passer quatre heures devant ce programme puisqu'ils n'ont rien d'autres à foutre, ces bandes de feignasse (cette observation vous est gracieusement offerte par le MEDEF). Ce match opposait les Seattle Seahawks (littéralement, les faucons des mers, ça doit être un animal inconnu de mon Larousse français-anglais) aux Pittsburgh Steelers (les aciers, c'est l'équivalent américain des forgerons de Gueugnon), Pittsburgh, ville natale d'Eminem d'après le commentateur (il me semblait que c'était Detroit, mais bon) et se passait à Detroit, justement.

 

Alors, les règles, c'est très simple : j'y ai rien compris dans le détail. En gros, il faut arriver à l'autre bout du terrain debout avec le ballon dans la main, l'équipe adverse se chargeant de les en empêcher avec des gros tampons partout. On dit alors que l'équipe vient de marquer un touchdown, c'est le meilleur moyen de marquer des points (il y en a d'autres, mais c'est encore plus compliqué). Les gros veaux aux hormones courent donc pendant une heure mais ça en dure quatre car c'est une heure de jeu effectif. En fait, chaque séquence de jeu dure dix secondes en gros et ensuite, on s'arrête pendant une minute pour se placer et décider de la tactique parmi les cent trente en réserve. Pendant cette minute de coupure, à chaque fois, aux Etats-Unis, on balance de la pub mais voilà, j'habite en France et la France, c'est pas du tout ce qu'on dit, et caetera, et caetera. Donc, la télé publique ne balance pas du tout de la pub à longueur de temps, France 2 s'est contenté d'en mettre que pendant une coupure sur deux. Le grand moment de la première mi-temps (car il y a deux mi-temps séparées en deux parties, ça permet de balancer encore plus de pub à la mi-temps), c'est le touchdown de Pittsburgh. En fait, on ne savait pas à vitesse réelle s'il était valable ou non alors on utilise dans ce cas ce que réclame toute la presse française (à l'exception d'une obscure feuille de chou de cryptogauchistes ampoulés) pour le football : l'arbitrage vidéo. On visionne donc plusieurs fois, au ralenti et sous tous les angles, l'action litigieuse, on glose entre le commentateur et le consultant (en imaginant sans peine que les arbitres en ont de même) et tout deux concluent à la même observation : non valable. Décision des arbitres : valable. Quelle belle preuve de l'utilité de ce tant voulu arbitrage vidéo !

 

Pour la mi-temps, France 2 se met au diapason des Américains, non pas pour la pub, mais pour le spectacle à outrance. En effet, ils ont prévu un plateau spécial à Paris avec des drapeaux américains et des bannières, le tout avec un public de folie venu voir le match (composé essentiellement de techniciens de la chaîne vu le nombre de gens capables d'aller au siège de France Télévisions pour voir ce qui est diffusé à la télé, mais debout avec un sandwich au saumon au lieu d'avachi dans le fauteuil avec une bière). On a presque l'impression de voir une émission spéciale sur les élections présidentielles américaines, mais sur France 3 Picardie ou la Chaîne Parlementaire (voire KTO s'il n'y avait pas certains invités). Les invités, venons en. D'abord, pour faire culture américaine, il y avait ce qu'ils appellent une cheerleader, ce qu'on appelle nous une bécasse écervelée de pom-pom girl. Là-bas, elles ne font pas Miss France ou la météo sur M6 mais elles s'agitent en petite tenue au bords des terrains mais attention, ce n'est pas du tout de l'inutile, elles ont un rôle humanitaire puisqu'elle nous explique qu'elles vont dans les hôpitaux voir des enfants malades (nous, on a Bernadette Chirac, c'est moins sexy, il faut l'avouer).

 

Pour meubler cette longue mi-temps, France 2 a aussi fait appel à des pique-assiettes connus qui passaient par là, leur ont proposer de voir le match et offert le repas avec en échange de filer leur avis à la mi-temps. Forcément, pour un truc de nuit un dimanche dont tout le monde se fout, ils ont trouvé du haut de gamme : Mouss Diouf et son poulain Booder. Mais surtout, on parle de pique-assiette et de football (fusse-t-il américain), alors à qui on pense en premier ? Francis Lalanne, bien sûr. Ça tombe bien, le baladin à cuissarde et catogan était là, il a poussé sa gueulante enflammée et enthousiaste contre le tout arbitrage vidéo (c'est ça, le problème de se confiner dans un rôle de dazibao pour bobos shootés à l'opium du peuple, on risque d'attirer des tocards) puis a proposé la botte à la pintade à lanières. Le point positif de la mi-temps n'est absolument pas dû à France 2 puisqu'il s'agit du concert de mi-temps. Depuis le scandale causé par Janet Jackson et Justin Timberlake, les organisateurs sont vigilants, ils ont par exemple récusé Eminem pour cette année et demandé aux Rolling Stones, en chair, en os et en varices, finalement retenus pour chanter trois chansons, de ne pas chanter celle anti-neocons.

 

Une grande caractéristique des équipes américaines, c'est leur nom censé faire peur à l'adversaire, symboliser une identité impressionnante, bref, faire sérieux. Par comparaison, les noms des clubs français de foot américain font plutôt rire : Argonautes d'Aix, Mousquetaires du Plessis-Robinson, Flash de La Courneuve, Anges bleus de Joinville ou encore Cougars de Saint-Ouen-l'Aumône. On peut imaginer le même genre de baptême pour les clubs de foot (le foot tel que l'on connaît) : les Borsalino Marseille, les Cols blancs de Lyon, les Porteurs de valises de Monaco, les Tanches de Paris, les Fantômes de Saint-Etienne (ce n'est pas plus faux que les vers), les Chômeurs Radiés de Lens, les Clochards de Lille, les Cagoulés d'Ajaccio, les Crêpes de Rennes, les Mirage de Nantes (car, malgré la grippe aviaire, canari, ça ne fait pas très peur, et mirage, ça reflète davantage la politique actuelle à long terme du club) ou encore les Poulets Fermiers d'Auxerre.

 

Après cet exemple de spectacle, imaginons un peu que le service des sports de France Télévisions en tienne compte et en profite pour faire de son principal évènement un véritable spectacle. Nous sommes le samedi 22 avril, pendant que TF1 se noie avec la Ferme Célébrités 3 avec Marc Dacascos, Jean-Pierre Raffarin, Jeannie Longo et Tatayet, France 2 bat tous les records d'audience avec la finale de la Coupe de la Ligue opposant les Aiglons (ça, c'est bien, on garde) de Nice aux Cancrelats de Nancy (ou un autre nom, il faut y réfléchir). Dès que l'arbitre (Olivier Chiabodo) ou ses assistants (Gilles Vessières et Robert Wurtz) réagissent, on lance une pub géante avec des projections de logos sur la pelouse tandis qu'on les écoute grâce aux micros qu'ils portent. Avant le match, il faut solenniser l'évènement, on aligne les joueurs au garde-à-vous en diffusant Heal the world (traduit en français par Didier Barbelivien) pour répandre un message d'amour puis ce sont les présentations à genoux, façon adoubement médévial, aux président de la LFP Frédéric Thiriez, au président de France Télévisions Patrick de Carolis et au président de la République Nicolas Sarkozy.

 

Pendant l'échauffement, on fait aussi participer le public en faisant participer un supporter tiré au sort à un toro avec Tony Vairelles, Talal El-Karkouri et Abdoulaye Méïté (message projeté sur la pelouse : United color of Ballon de plomb) tandis que les hymnes des clubs sont chantés par leurs supporters attitrés (respectivement, Loana et Olivier Rouyer) avec, pour chauffer le public, les chorégraphies de Kamel Ouali exécutées par les anciennes participantes de Top Model 2005. Bon, pour le match en lui-même, on ne peut pas trop changer les règles, alors on rend les commentaires un chouia plus punchy en laissant cela à Thierry Roland, René Malville, Fabrice Fiorèse et Luis Fernandez, le tout agrémenté de dessins de Bernard Chenez. A la mi-temps, on retient l'attention du spectateur par un concert de prestige, de crainte que M.Pokora ne dévoile un sein d'Amel Bent ou que Harlem soit trop virulent à l'encontre du pouvoir en place, on laissera finalement cette tâche aux Chats sauvages suivis des participants aux Choristes font du skis, remake des Choristes et de la Marche de l'empereur à la fois, fait dans le but de toucher le public américain. Pour la remise du trophée, là encore, rien n'est trop petit, c'est en effet le patron du service des sports de France Télévisions (rien de moins, mais l'importance de l'évènement l'exige) qui l'offre à l'équipe vainqueur ainsi qu'un cadeau spécial (un CD dédicacé d'André Rieu) pour celui qui a été élu meilleur joueur du match par SMS.

 

Publié dans telepoubelle

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article