Allocution de Jacques Chirac

Publié le par Schweinnie

au revoir, au revoir, président

 

 

La révolte estudiantine semait le chaos en France, les masses prolétaires se rebellaient, l'opposition fourbit ses armes, la chienlit est partout, même la concordance des temps a foutu le camp, il ne reste plus qu'un homme, le président, pour tout remettre dans l'ordre. Hélas, c'était Chirac. Poursuivons la parallèle avec mai 68 (qui vaut ce qu'il vaut, c'est-à-dire rien), de Gaulle, contesté, s'était rétabli une nouvelle légitimité en consultant le peuple via des élections législatives (dissolution de l'Assemblée Nationale) avant de tirer les conséquences d'un désaveu sous forme de référendum perdu en démissionnant immédiatement. Chirac, lui, a déjà fait la dissolution et le référendum perdu, mais par contre, il a perdu les législatives et est resté après deux désaveux, alors, après tout, pourquoi changer ? Donc, dans ses temps troublés où règne le désordre, un homme est attendu par tous, il doit, au-dessus de la mêlée, trancher entre ses citoyens en discorde. Que va-t-il dire ? Comment va-t-il dénouer le noeud gordien que lui ont concocté les autres ? Hein ? Comment il va s'en tirer (ou pas), cette fois-ci, le grand con ?

 

Résumé des épisodes précédents. En l'an de grâce 2005, vers la fin mai, tout Paris (et même au-delà) veut s'attirer les faveurs de la même personne, cette Esméralda que tout le monde rêve de conquérir. Il y a le beau chef de la police, Phébus, qui, entre deux bains publics dans la Seine, déclame des vers sur la place publique en se secouant les cheveux. Il y a aussi le patron de la cathédrale UMP, le terrible Frollo, qui cache derrière un sourire de faux-cul et des talonnettes, un véritable tempérament de traître arriviste et une petite taille. Il est haï, mais il est craint, et son bedeau, bien qu'il aimerait, n'ose point s'opposer à lui. Ce bedeau, importé du bas-Poitou, se borne à sonner les cloches et jouer les utilités. Il faut dire qu'il est moche, petit, voûté, bossu, le pif en carafe et le pire, c'est quand il parle, ça ne veut rien dire, il est ridicule, tout le monde se moque de lui. Initialement, par pitié sans doute, Esmeralda avait accordé ses faveurs au bossu mais là, ça n'est plus possible, alors il faut en prendre un autre. Le bellâtre ? La fouine ? Cruel dilemme. D'autant que son passé au sein de la cour des miracles fait jaser, quand un vieux corse qui sent l'anis l'avait initié à toutes les truanderies possibles et imaginables, maintenant reniés, ils ont crié vengeance. Pendant ce temps, Jacques Dessange est désigné, le petit est furieux, ils se roule par terre et tape rageusement au sol en hurlant : "je l'aurai, je l'aurai, je l'aurai !" Alors, il reçoit l'appui de la cour des miracles dans sa quête de vengeance, Patrick le bon tuyau (qu'il peut faire entrer dans la tête sous la menace) en tête. Ça va chier, et là, je me rends compte que j'ai mélangé mes fiches et que j'ai confondu la crise du CPE et Notre-Dame de Paris avec Garou et tout le bordel (cela dit, avec des zikos de qualité et des producteurs qui ont de l'argent à perdre, je vous fais sans problème une comédie musicale sur Chirac, moi).

 

On reprend à zéro (ça tombe bien, on y retrouve Chirac). Après des régionales, des européennes et un référendum perdus, Chirac nomme Villepin premier ministre, au nez et à la barbe de Sarkozy qui noyaute toutefois le gouvernement en y entrant et en y plaçant des hommes à lui et compétents (vous noterez que Devedjian est sorti). Après son discours de politique générale à Malibu, Petrol-Hahn décide de s'attaquer à tous les problèmes. Le chômage en général, pour cela, il crée le CNE, un truc tout génial où on peut embaucher quelqu'un et ensuite, on a deux ans pour trouver une bonne raison de le virer pour le faire sans préavis ni que ça coûte trop cher. Et si on ne trouve pas de raison, c'est pas grave, on peut virer quand même. Après, logiquement, comme quelqu'un est viré, on engage un autre à la place, ça fait un chômeur en moins. Tout ça, c'est super pensé, fait par des types qui ont été bons dans leurs études il y a vingt ans, du sûr donc. Ensuite, il y a un autre problème dans le chômage (entre temps, il a fallu nettoyer quelques voitures brûlées et des canards qui toussent), les jeunes. Car les entreprises, elles veulent bien engager des débutants, mais à condition qu'ils aient de l'expérience. Alors, il faut leur en donner, en fait comme pour le CNE, mais pour les jeunes, ça s'appelle un CPE. Et là, c'est grave. Parce que le CNE, ça emmerde des gens qui travaillent dans des PME du privé, donc qui ne manifestent pas. Alors que le CPE, c'est pour ceux qui là sont au chômage ou étudiants ou lycéens, ça n'a rien à branler de ses journées, c'est fou, ça s'enflamme vite, bref, ça peut rapidement mettre le dawa. Et ça ne loupe pas, des millions de français dans la rue, plus tous ceux qui sont contre mais ne peuvent ou ne veulent pas manifester, c'est pas bon, mais pas bon du tout du tout. Le pire, c'est que le premier ministre n'est défendu que par un petit quarteron de villepinistes fous furieux, dix millions selon l'organisateur, trois selon le chef de la police (Mariton, Tron et un troisième gugusse dont j'ai oublié le nom). Les couteaux sont sortis dans la majorité, la gauche s'est refondé de nulle part et le respectable et sain d'esprit Besancenot à repris deux fois du ragoût l'autre midi.

 

Alors, notre vieux sage (plus vieux que sage, d'ailleurs) doit remettre un peu d'ordre là-dedans et pour cela, il a causé dans la boîte à cons à 20H, entre les concombres et l'entrecôte et si tu pouvais faire passer le sel, merci. Alors, logiquement, ce discours devait marquer une volonté forte dans la lutte contre le chômage. Soit. Mais la première conséquence, ça va être des chômeurs de plus, vu le travail de sagouin des ingénieurs son (l'ANPE, c'est par là). Je ne pense pas avoir été le seul à le faire, mais j'ai zappé entre toutes les chaînes, pas pour m'amuser à comparer (encore que je suis finalement resté sur France 3 vu qu'il y avait la chorégraphie de la chinkungunya en bas à droite de l'écran) mais bien pour vérifier si ça venait de moi ou de lui. Ça venait de lui, pour changer. En effet, il y avait un effet sonore pour le moins étonnant, vu qu'ils auraient pu quand même faire des tests avant de balancer la sauce. On entendait un peu la voix de Chirac dans son laïus en même temps que la même voix en plus fort mais avec un déphase de deux secondes. Volontaire ? Admettons, mais dans quel but ? + Clair a proposé une thèse allant dans ce sens, comme quoi ça aurait donné un effet DJ Dudu ("vous êtes heureux ce soir oir oir oir"), en direct du Macumba de Lannion pour Hit West, la première hit radio dans l’ouest (tiens, il faudra que je scribouille tantôt sur le pire de la radio, aussi), pour montrer qu'il comprend les jeunes.

 

Mouais, moi, je trouvais plutôt que cette réverbération donnait plutôt une allure de Dieu le père, "tremblez pauvres mortels", "écoutez ma colère, infidèles", "va voir sur le Sinaï si j'y suis" et toutes ces sortes de choses. Mais là encore, même s'il a bien son temps pour réfléchir, ça me parait quand même étonnant de sa part de se la jouer au-dessus de tout le monde. D'abord, ça ne correspond pas au personnage, qui ne perd pas une occasion d'aller bouffer, picoler, taper le cul des vaches et tâter la crémière comme tout un chacun. En plus, lui, faire le sacrilège blasphématoire d’essayer d'imiter Dieu ? Mais que dirait Bernadette ?! Non, ce n'est pas volontaire. En fait, on dirait plutôt comme un parasitage causé par un sonotone, Pascal Sevran s'était plaint de ça, aussi, car ça lui arrivait à chaque fois qu'il voulait utiliser son portable sur le plateau de Chanter la vie. D'ailleurs, il devrait tout assumer. Il a remis ses lunettes, il peut bien utiliser le gros cornet du professeur Tournesol vu qu'il est aussi sourdingue, ainsi qu'user d'une canne lorsque il a ses rhumatismes et enfin penser à mettre dans les trucs officiels son bonnet d'âne vu que ...

 

Bon, alors, qu'est-ce qu'il a dit, votre président ? Oui, c'est le vôtre, gardez le. Alors, il avait réglementairement deux possibilités : soit il promulgue et prend position pour Badinguet, soit il utilise l'article 10 et donne raison aux manifestants. Et bien, comme à chaque fois qu'il a un choix à faire, Chirac a choisi ... de ne pas choisir. Enfin, ça doit être ça, car ça n'était pas des masses clair, ses explications, et pourtant le son était redevenu normal. En fait, si j'ai tout compris, il promulgue la loi sur l'égalité des chances (avec des vrais morceaux de CPE dedans) mais a demandé des négociations et a garanti que pendant ce temps, la loi ne sera pas appliquée. En gros, le pouvoir n'a pas cessé de dire (y compris dans cette allocution) qu'il fallait respecter les institutions et là, il promulgue une loi dont il demande qu'on ne l'applique pas, incitant ainsi à agir anticonstitutionnellement (woh yeah putain, j'ai réussi à le caser dans un CR !). Franchement, on peut lui trouver plein de défauts (et les yeux fermés, en faisant le poirier, en apnée, les mains dans le dos et sans filet), mais il faut admettre qu'il est créatif, l'autre, là. Parce que convoquer tous les français devant leur télé pour leur dire qu'il faut respecter les lois tout en en soutenant une qu'il ne faut pas appliquer mais qu'il promulgue quand même mais on va négocier, il fallait le faire ! Alors, le CPE, il est légalisé ou non ? Eh bien, oui mais vous ne devez pas y toucher car c'est pas bien et on va l'enlever bientôt, c'est nouveau, ça vient de sortir.

 

En fait, c'est comme sa baisse de l'impôt sur le revenu d'un tiers, on la fait, mais comme on ne peut pas, on ne la fait pas mais considérez qu'on la fait quand même et qu'on ne recule pas devant les anarcho-gauchistes de la rue, on a des couilles au cul, nous, môssieur, alors respect, bordel de merde ! En plus, ça marche aussi pour les réformes de l'éducation de Fillon, Ferry ou Devaquet, pour la réforme de la sécu, pour le Clémenceau, pour le TICE, pour l'insécurité, pour les retraites, pour le bilan globalement positif de la colonisation, pour le lundi de Pentecôte, pour le prix du tabac, pour la suppression des emplois-jeunes, pour celle des 35H, pour les aides pour les banlieues, pour la laïcité, pour le statut pénal du président, pour ... En fait, ça marche pour tout Chirac, ce truc. D'ailleurs, dans plusieurs années, il faudra bien dire qu'on (au sens global) l'a élu puis réélu à 82% mais il ne faudra pas le dire car, bon, bonjour la honte, même si en vrai, on l'a fait, mais on l'a pas vraiment voulu et en plus, il a pas tellement été président même s'il l'était. Voilà le secret du chiraquisme percé, vous pourrez peut-être retrouver cette définition dans le Chiraquisme pour les nuls, ou un Que sais-je ? sur le chiraquisme, ou encore une fiche société dans Tele 7 Jours.

Publié dans telepoubelle

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