Secrets d'actualité

Publié le par Schweinnie

un reportage de Vincent Marronnier

Pour sa rentrée, la magasine d'investigation de M6 a tablé sur l'évènement indiscutable de ces derniers mois. La guerre au Liban ? Le retour foiré de Jospin ? Le nucléaire iranien ou nord-coréen ? Benoît XVI qui se prend pour un caricaturiste danois ? Le squat de Cachan ? Non, non, non, bien plus primordial : le coup de boule de Zidane à Materazzi. Reportage d'autant plus marrant à regarder, en plus de la mise en scène tragique courante dans cette émission, c'est en ayant en tête tout ce qui a dit à l'époque dans la presse française. Là, trois mois sont passés, on a vu que l'Equipe de France pouvait bien jouer aussi sans Zidane, bref, les intérêts économiques ne sont plus les mêmes alors on peut se lâcher un peu. Pour cette enquête dont le ton n'est pas sans rappeler celui de Groland (mais là, c'est complètement involontaire ou alors M6 a une taupe chez elle), des témoignages capitaux sont recueillis. Bon, on n'a pas Zidane lui-même, on n'a pas non plus Materazzi, ni même Domenech ou Trezeguet (le français le plus proche de l'action), ni un quelconque joueur italien, mais on a l'arbitre, Elizondo. Mais pas les arbitres assistants ("nains à drapeau" dans le jargon technique) ni le quatrième arbitre, celui qui avait prévenu Elizondo de ce qui s'était passé. Bref, seulement un protagoniste de l'affaire, qui n'avait rien vu et ne le cache pas, mais rassurez vous, on a plein de journalistes qui témoignent, donc on saura tout quand même, même à partir de rien. Maintenant, le Droit de savoir aurait pu enquêter aussi : "le 9 juillet, Zidane donnait un coup de tête à Materazzi, à Berlin, Berlin, ville où Petrouchka travaille comme prostituée, avec l'argent gagné, elle finance ainsi un réseau des pays de l'est pour l'immigration clandestine, le trafic d'armes, le trucage de l'Eurovision, l'invasion de plombiers, l'égorgement de nos filles et nos compagnes jusque dans nos bras et le vol de Ballons d'Or", avec des seins et des fesses pour illustrer ces propos.

Mais là n'est pas la question. Pour présenter l'émission, c'est-à-dire lancer les reportages et faire une petite interview de fin, le nioubie est allé au Stade Olympique de Berlin, en projetant les images sur les écrans géants (pas mégalo du tout, pour la peine). "Mais il y a encore des zones d'ombre", oui, enquêtons, "sur la base de nouveaux témoignages exclusifs pour certain et avec de nouvelles images". Déjà, on présente le match avec Carmina Burana en fond sonore et Saccomano qui nous dit que la finale de la Coupe du Monde est très importante. "On ne retiendra que deux noms : Zidane et Materazzi", mais d'un autre côté, ce sont eux qui ont marqué les buts. D'autres experts, Thierry Roland et Pierre Ménès (objectif car aucun joueur d'Arsenal n'a été impliqué dans l'affaire) ainsi qu'un journaliste italien pour la parité. "Affaire la plus retentissante de l'histoire du football", mais non, M6 n'en rajoute pas. On sent quand même depuis l'élimination de l'OM qu'ils ont recours à des subterfuges pour passer du foot. On revoit les images des buts mais avec les commentaires de Saccomano, car le match était sur TF1.

On aborde enfin l'action, on remarque que comme Gilardi, Saccomano accuse tout de suite Trezeguet avant de voir le ralenti. Bon, les témoignages des sentiments sur le coup, sans intérêt, vu qu'on est tous dans la même situation mais comment a-t-on vu l'image ? C'était en plein en dehors de l'action, et même s'il y a 28 caméras autour du terrain, on ne peut pas tout voir. Le réalisateur, un allemand, confirme qu'il comprenait que quelque chose d'important s'était passé, mais quoi ? Aucun caméraman n'a la réponse mais eux, ils soupçonnent Zidane, qui essaye de se planquer et qui s'éloigne du gisant alors que tout le monde vient aux nouvelles. Et là, c'est le drame, une caméra était prévue pour suivre un joueur français pendant un quart d’heure et là, ça venait d'être le quart d'heure de Zidane. Deux minutes plus tôt, on ne l'aurait pas vu. Et là, attention, le caméraman qui était chargé de ça et qui prévient le réalisateur et ainsi le monde entier du forfait de Zidane est ... français ! Sus au traître ! Le nom ! Le nom ! En plus, normalement, on ne passe pas de ralenti avant que l'arbitre ne prenne sa décision alors que là, l'image du coup de tête a été montrée pendant l'arrêt de jeu mais avant que le rouge ne soit sorti contre Zidane. Pire, la vidéo aurait-elle aidé l'arbitre alors que c'est interdit ? Bigre, voilà qui est problématique.

Mais comment aurait-il été aidé ? On va passer un quart d'heure dessus, c'est un point essentiel. D'abord, ce n'est pas avec les écrans géants, car les ralentis n'y sont pas diffusés. Alors, pour mieux comprendre, on a fait, notte conte enquête ! Le terrain est reconstitué en images de synthèse (ou avec un jeu de Subbuteo) pour se placer du point de vue de chaque arbitre. L'arbitre tournait le dos à l'incident, l'arbitre assistant était trop loin pour l'un, regardait ailleurs pour l'autre. Trezeguet, Cannavaro et Buffon, eux, ont tout vu. Buffon se précipite sur l'arbitre assistant pour le prévenir, Trezeguet ne dit rien, normal, mais les arbitres, eux, n'en savent rien. Elizondo demande alors au quatrième arbitre, un salopard d'espingouin, s'il a vu et l'autre lui répond que Zidane a envoyé un gros coup de tête à Materazzi. Après s'être assuré que l'autre est sûr de lui, il expulse Zidane. Le quatrième arbitre, comme nous l'explique Alain Sars qui se laisse pousser le bouc (ça vaut un "aux chiottes", ça), a un banc tout à lui, avec sur le banc un moniteur de contrôle, mais il n'a pas le droit de l'utiliser pour aider l'arbitre central, c'est un concept. Une photo montre d'ailleurs le quatrième arbitre penché sur l'écran au moment entre l'incident et l'expulsion. Autre élément troublant, le Mossad et la CIA auraient dynamité ... euh, attendez ... j'ai mélangé mes fiches. Voilà, le temps était bien long pour réagir, pour quelqu'un qui aurait tout vu en direct. Elizondo dit qu'il lui a dit ce qu'il s'est passé tout de suite et que ça a pris du temps car il a écouté ce que lui ont dit les joueurs. Ça, c'est la version officielle, mais d'après la reconstitution, il y avait trop de joueurs entre le quatrième arbitre (qu'on n'interroge pas, je rappelle) et le tandem fatal. C'est clair, la vérité est ailleurs. Lorsque le rouge est sorti, Zidane dit que c'est normal, qu'il le mérite, mais que Elizondo n'a pas vu ce qu'il s'est passé avant. Les spectateurs sifflent à la sortie de Zidane, d'après Jean-Philippe Doux, c'est parce qu'ils croyaient à une injustice et ils sifflaient la décision. Ils ne sifflent pas Zidane, non, ce n'est pas possible, même pour des boches.

Quant à Domenech, les seuls témoignages diffusés sont la conférence de presse d'après-match, où il se montre comme d'habitude, bon perdant sauf quand c'est contre l'Italie et le Portugal. Le seul problème, c'est qu'avec Domenech, c'est presque toujours contre l'Italie ou le Portugal que ça s'arrête. Immédiatement, en France, c'est la consternation. Le monde est ébranlé. Même la fin du match, l'Italie championne du monde, tout ça, ce n'est rien à côté de ce choc. "Mais le pire viendra d'Internet", ben oui, tout le monde se fout de la gueule de Zidane, et ça, ce n'est pas bien. Les fringues, la famille, la religion, on se moque pas, et bien l'argent, c'est pareil, donc pas touche à Zidane. On a même une interview des trois pignoufs qui ont enregistrés Coup de boule et qui racontent leur succès. Pour dire le retentissement, maintenant, c'est toute la jeunesse déboussolée qui est pervertie, qui cède à la violence depuis que Dieu a montré la voie, comme le signale Jean-Michel Apathie. Mais, "jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, tout sera mis en oeuvre pour disculper Zidane et un autre coupable sera désigné, Marco Materazzi", le tout avec une musique grandiloquente. Car sur les images, on voit qu'avant l'agression, Materazzi a parlé à Zidane et donc, forcément, c'est très vilain et même de sa faute.

Alors, qu'est-ce qu'il s'est dit ? D'après le reportage de M6, c'est le Sun qui le premier parle d'insultes racistes ("ta mère est une pute terroriste"), repris par la presse espagnole puis française. Il faudrait m'expliquer alors, si ce sont ces cochons de rosbeef et leurs torchons de merde qui ont inventé cette thèse (donc, pas nous, nobles candides), pourquoi Bernard Tapie, dans l'immédiat après-match sur TF1, racontait les mêmes fadaises. Mais bon, le racisme, c'est de la faute des étrangers, c'est bien connu. De même, Stade 2 ou différents JT de chaînes françaises (cf. le CR que j'avais consacré à cette affaire à l'époque) ont affirmé, lecture sur les lèvres à l'appui, cette phrase. (voix grave et ton mystérieux) et pourtant, nous allons voir qu'il n'en est rien (contrebasses). Immédiatement, Materazzi ravale Vinnie Jones au rang de fillette et on diffuse tous ses plus beaux tacles. Jolie perfidie du journaliste italien : "je ne pense pas que Materazzi actuellement soit plus violent que ne l'était Domenech joueur il y a une vingtaine d'années". Le pire, c'est que c'est vrai. Maintenant, M6 nous explique que c'est Chirac, ni plus ni moins, qui va disculper Zidane, au risque de choquer Apathie par l'incohérence de cette position d'avec ses promesses électorales d'impunité zéro. Apathie qui s'étonne encore que Chirac dit n'importe quoi et fait comme il veut et comme ça l'arrange, c'est touchant de naïveté ou choquant d'hypocrisie, au choix. Ménès mentionne l'immunité de Zidane rapport à ses exploits passés (comme celle de Pirès chez un quintal de journaliste), et là encore, c'est exact, il suffit de se rappeler le déferlement contre Trezeguet (lui, il est bien maudit, quelque part) après son expulsion pour coup de tête à un adversaire (tiens, tiens) en Israël.

L'interview par Denisot et visiblement, il parle de son plein gré, sans conseiller en communication. Donc, je rappelle, il dit que les insultes ne sont pas racistes mais concernent la mère et la soeur, que ce n'était vraiment pas chou, que c'était répété mais que lui, il ne dira pas précisément ce que c'était à l'antenne. Donc, on n'en sait pas plus. Toujours est-il que Zidane s'excuse mais ne regrette pas, c'est-à-dire l'inverse de Benoît XVI. "Cette absence de regret va mettre dans l'embarras tous ceux qui ont défendu Zidane, à commencer par le chef de l'Etat". C'est vrai qu'il n'a plus que ça à foutre, entre deux sucrages de fraises. Mais il n'y pas que Chirac qui défend Zidane en dépit du bon sens et par pure démagogie, il y a aussi Ségolène Royal car on ne doit pas insulter les mères. Dans le même temps, Materazzi aussi a réagi, même si on ne l'avait pas vu en France, il dit qu'il avait perdu sa mère à l'âge de quinze ans donc qu'il ne se permettrait pas d'aller sur ce terrain, qu'il n'attaque pas sur la religion non plus et que bon, le coupable, c'est quand même Zidane.

Et maintenant, la lecture sur les lèvres, sur une séquence de face tout le long. Comme les autres à l'époque, M6 a donc recours à une spécialiste mais là, on n'obtient un résultat plus conforme aux autres témoignages que les élucubrations grotesques de juillet. Voici les propos :
Materazzi : "Jouez !"
Zidane : "Qu'est-ce que tu veux ?! Tu le veux, mon maillot ?"
Materazzi : "T'as qu'à le donner à ta pute de soeur ! Merde ! Merde ! Ouais, ta pute de soeur ! Payday de Zidane ! Va te faire enculoauraffffghhhh !"
Ce n'est pas très joli, mais il n'y a rien de raciste et on ne voit même pas apparaître la mère. Alors, on nous aurait menti ? Deux observations : d'abord, Zidane ne se retourne que quand on le traite de payday (donc, après le coup de la soeur) et ne frappe qu'à l'invitation à la pratique de la sodomie, mais en plus, bien que très vilains, ces propos ne sont pas extraordinaires dans un match de foot pro.

Là, attention, ça commence à devenir velu. Zidane aurait tapé, mais pas du tout à cause des insultes. Zidane avait la pression car il avait annoncé sa retraite. Retour sur sa dernière conférence de presse, après les matches pourris de préparation, quand il s'en va fâché alors qu'on insinuait qu'il n'était pas au sommet de sa forme. Ménès : "c'est quelqu'un qui n'aime pas être critiqué et qui a beaucoup d'orgueil". Non, Pierrot n'est pas atteint du syndrome Alain Delon, il parlait de Zidane. Et puis, son frère est allé le voir à trois heures du matin, lui a dit "lève toi et marche" et on a tapé l'Espagne, le Brésil, le Portugal et le Togo. En finale, c'était son dernier match et il a voulu faire le spectacle, il voulait marquer l'Histoire et ça, ce n'est pas bien. Par exemple, marquer son penalty à la Panenka juste pour emmerder Landreau, c'est mesquin. "Zidane se sépare de sa légendaire humilité, ce soir, Zidane veut briller". En prime, il se démet l'épaule dans un choc, il est tout près de marquer mais Buffon sort sa tête. Et là, c'est le drame, il s'énerve, il est frustré, il a une trique d'enfer qu'il ne parvient pas à maîtriser (cf Petrouchka), Materazzi l'injurie, c'était la goutte d'eau. En plus, c'est quand même sa quatorzième expulsion, ce qui est énorme (voire gigantesque) pour un joueur offensif. Là, grosse surprise, Ménès et Saccomano nous disent que oui, Zidane peut être violent, ce qu'ils se gardaient bien de dire avant sa retraite ou dans le feu de la polémique post-finale. Il n'est jamais trop tard pour dire ce que l'on pense vraiment mais quand même, le plus tôt, c'est le mieux. Conclusion : en donnant ce coup de tête, il a voulu montrer qu'il n'était qu'un homme. Il a été élu meilleur joueur de la Coupe du Monde, mais c'était avant la finale et donc le coup de tête. Mais bon, en 1998, c'était Ronaldo qui avait été élu et il avait fait un malaise le jour de la finale avant d'être complètement transparent, en 2002, c'était Kahn et il s'est troué en finale, alors en fait, ce serait le mauvais oeil que lui aurait ainsi apporté la FIFA. Pour finir, petite discussion du nouveau présentateur au stade de Berlin avec Pierre Ménès et Pascal Garibian. Allez, envoyez le bouzin.

Publié dans telepoubelle

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T
Merci ca m'evite de regarder ces merdes et en plus ca me fait marrer. Par contre je ne pourrais manquer sous aucun pretexte un "sans aucun doute" ou les 7 peches capitaux. Parce que la, ca vaut tous les patrick seb et zapping de l'humour ^^
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G
Comme d'hab, c'est toujours excellent, bonne continuaton, j'essaye de faire tourner ton blog voilà ++
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