Torino 2006
premier temps intermédiaire
Ça y est, c'est parti, c'est lancé, alors autant faire dors et déjà un petit bilan des performances de notre télévision de service public à nous qu'on a. Tout d'abord, dans le rôle de la speakerine, ils ont réquisitionné Lurent Luyat, porté disparu depuis son remplacement par Gérard Holtz sur Stade 2. Il est coincé sur un plateau où l'on rajoute à l'image de la neige qui chute, histoire de faire aux yeux, avec derrière lui un écran montrant un chalet sous la neige pour nous rappeler que ce sont les JO d'hiver (des fois où l'on croirait que c'est la Coupe de la Ligue, la compétition que mon dentier nous envie). Pour les lancements, il dispose d'une animation géniale : pour les compétitions, un petit bonhomme, non pas en mousse qui s'élance et rate le plongeoir, mais en imitation figurine (mais en plus gros) virtuellement incrusté et qui se déplace vers nous, lancé par Luyat (enfin, ça, c'est dans le principe, en vrai, Luyat lance sa main, dix secondes après, le bonhomme part en zigzaguant et s'en va vers un coin, jamais le même, de l'écran).
Mais le fin du fin de cette permanence, c'est l'interactivité permanente. En effet, on peut leur envoyer des SMS pour réagir, ça peut aller de la question que l'on se pose et pour laquelle on profite des experts à l'antenne ("Quelle est la longueur des skis de Daron Rahlves ?" "Est-ce que le hors-jeu passif est considéré au curling ?" "Qu'est-ce donc qu'un hooley hoop coincoin 575 au half-pipe ?" "Le broucho-stifluromédrol est considéré comme un produit dopant en biathlon ?" "Quand est-ce qu'on mange ?") aux réactions de toute sorte ("Trop fort, Dénériaz !" "Nelson, je t'aime, veux-tu m'épouser ?" "Génial, Carole, tu m'as fait pleurer, tu es vraiment une grande championne." "Dieudo, ça te ferait rire si on faisait des blagues sur l'odeur des noirs ?" "Rendez nous Pyramide !" "1 gfon d4 fRds 3 Zdo7" "Ta gueule, Jean-René !" "Lulu !"), bref, un truc qui apporte incontestablement un plus.
Et ce tableau des médailles qui revient inexorablement ! On peut être chauvin quand on suit une compétition, ce n'est pas le problème, mais le tableau des médailles qu'on nous ressort à chaque évènement sportif, c'est vraiment crétin ! Déjà, ça crée une compétition là où il n'y en a pas tout en mélangeant allègrement les choux et les carottes. Ainsi, une victoire en slalom compte autant que le curling ou la luge biplace tout comme le 100 mètres en athlétisme compte autant que l'haltérophilie catégorie moins de 67 kg. Résultat, pour être bien placé au tableau des médailles, il faut miser les sports où on peut en gagner plein, même si tout le monde s'en fout (comme la lutte, l'haltérophilie, la gymnastique option corruption de juges) et en plus, les bonnes performances sont effacées, il faut des médailles, pas de 4e ou 5e place (qui peuvent pourtant parfois être très belles) et des médailles d'or car c'est là-dessus qu'on fait le classement. Du coup, on a un classement qui, en fait, ne veut rien dire mais à partir duquel tout le monde tire des plans sur la comète et des conclusions hâtives (en quelque sorte, comme pour n'importe quel sondage).
Mais place aussi à une petite mention pour ce qui peut sans doute être considéré, maintenant qu'on a pu avoir un petit panorama de ces épreuves méconnues, comme le sport le plus con des JO d'hiver : le snowboard bordercross. Oui, oui, plus que le curling, j'insiste. Déjà, du point de vue des tenues, ça ne fait pas sérieux. Les tenues de sportifs de haut niveau, elles doivent obligatoirement avoir, pour être crédible, comme caractéristiques d'être absolument immettables pour le commun des mortels. Que ce soient les combinaisons de Bioman des bobeurs, les combinaisons moule-burnes des cyclistes et des athlètes ou les accoutrements des pratiquants du twirling-bâton, c'est hideux, personne n'oserait les porter dans la rue. Mais dans ce sport, plutôt que de mettre des combinaisons qui moulent les protections comme les skieurs, ils préfèrent garder leurs tenues cool, extralarges et portées au mauvais endroit, comme on en voit tant et trop. Non seulement, ça ne fait déjà pas très sérieux comme sport, mais en plus c'est totalement crétin dans l'application. Ce sont des courses de 4 avec le premier arrivé qui gagne (ça, ça va, on comprend facilement), mais dans les faits, les 4 n'arrivent quasiment jamais tous au bout du parcours. En fait, le seul principe du jeu, c'est de ne pas tomber, comme une vulgaire épreuve de Jeux sans frontières (au fait, ça existe encore ?).
Certes, dans le short-track, c'est comme ça aussi, mais dans le short-track, quand on tombe, du fait du revêtement et de la force centripète (prout), on est très vite éjecté et on a moins de chance de faire tomber un autre concurrent qui, de toute façon, peut être repêché si une telle mésaventure lui arrive. Alors que là, non. Résultat : du grand guignol comme on a pu le voir dans les finales. Chez les hommes, la moitié est par terre dès le haut du parcours, la bagarre à 4 se réduit à une bagarre à 2 et celui qui est en faute pouvant être disqualifié, il n'essaye même pas de se défendre. Chez les dames, c'est encore plus pitresque, une première chute en haut, une autre qui fonce dans les filets (mais qui finira troisième malgré tout) et enfin, celle qui s'était détachée en tête et qui a voulu se la péter pour amplifier sa victoire, se vautre en exécutant une figure et se retrouve deuxième (dans le jargon, on appelle cette figure une Landrenka). Alors, non, je n'échange pas un baril de curling contre deux barils de cette course au couillon !
Hélas, le curling passe assez peu à l'antenne, c'est bien dommage. Les grincheux expliquent que c'est chiant. C'est aller un peu vite en besogne. Quand on s'y connaît, ça peut être passionnant, on peut assister à de très beaux affrontements tactico-techniques mais aussi voir du hourra-curling quand l'ambiance s'y prête. En fait, ce qui manque à ce sport, c'est de la popularité chez les jeunes et comment ne pas y arriver comme l'ont fait le foot et le volley : la fresque épique autour d'un sport avec une forte influence nippone. Il y a eu Olive et Tom, il y a eu Jeanne et Serge, il doit y avoir André et Jacky (pour les prénoms, ils sont évidemment différents en VO, mais là, il faut bien assurer l'exportation en France). André et Jacky sont les deux meilleurs joueurs de curling au mooooonde, ils se respectent mais chacun veut être le plus fort et chaque match entre leurs équipes sont l'occasion de gestes de grande classe : balayage de la glace la faisant fondre sur plusieurs centimètres, pierre qui suit une trajectoire sinusoïdale pour placer toutes les "coéquipières", pierre qui s'envole pour réaliser un carreau, balayage qui fait passer la glace sous forme gazeuse, longs gros plans de visages immobiles et décidés, mentons qui disparaissent quand ils parlent ... Avec ça, on a des joueurs de curling de niveau international pour vingt ans ! Minimum !
Enfin, un grand bravo pour la championne du siècle (au moins) : Carole Montillet. Donc, la désormais sosie de Franck Ribéry, a tenu à disputer et finir la descente malgré son énorme gadin à l'entraînement et ça, c'est formidable, c'est génial, c'est magnifique, c'est la marque d'une vraie championne. Justine Hénin, elle, n'est pas une championne, je l'avais déjà expliqué, elle a refusé de jouer sous le fallacieux prétexte d'un cancer généralisé de l'estomac. Michaella Dorfmeister, elle a peut-être gagné, mais ce n'est pas une championne non plus. Elle aurait pu l'être si elle n'avait pas évité un pisteur au dernier moment il y a quelques semaines, mais là, non, vraiment, elle ne mérite pas d'admiration. Kildow non plus, d'accord, elle aussi est lourdement tombée à l'entraînement et a fini huitième mais bof, non, ce n'est pas une championne. Alors que Montillet, pardon, mais c'est l'héroïne du ski alpin, devant les Kostelic, Paersson, Schild et les autres, il faut lui donner la Croix de guerre, le Mérite agricole, lui élever une statue (ou une gargouille à Notre-Dame) ou lui donner le Prix Nobel de la Paix. Rendons vraiment hommage à cette exceptionnelle performance, ce courage admirable, ce coup de génie et de caractère. Bon, bien sûr, on peut dire que si elle était une championne, elle ne se serait pas vautrée comme une merde à l'entraînement et aurait pu vraiment défendre ses chances mais ce ne serait là que persiflage de déclinologue.